Projet SIG
Sujet du mémoire : Claude de Rubys et le réseau ligueur lyonnais,
1589-1594
Cartes du gouvernement
de Lyon : _Stratégies royalistes
et ligueuses
_L'année de la reddition de Lyon (1594)
_Révolte paysanne, réaction ligueuse
Mon mémoire porte sur le réseau ligueur
lyonnais qui a mis à sa tête un homme politique important, Claude de Rubys.
Dans la perspective de voir comment les membres de ce réseau gouvernent la
ville et donc ses environs, c'est-à-dire les villes alentours et les campagnes,
une partie de mes recherches s'orientent vers le fonctionnement de ce réseau et
ses moyens d'action à l'extérieur de Lyon, dans le gouvernement du Lyonnais,
Forez et Beaujolais. Les ligueurs lyonnais sont en contact avec des chefs
militaires nobles qui commandent des troupes ligueuses dans toute la région.
Comprendre les stratégies des deux armées est important avant de créer les
cartes SIG, afin de représenter sur les cartes le comportement de ces armées et
de l'analyser en détail. Les chefs ligueurs tentent de prendre des villes
royalistes de différentes manières. La plupart du temps, ils se rassemblent
dans un lieu qu'ils contrôlent, que ce soit une ville ou un village, puis ils
partent piller la campagne autour de la ville qu'ils tentent de prendre. Ils
ont donc une stratégie de mouvement et d'évitement, puisqu'ils veulent éviter
le combat avec l'armée du roi plus nombreuse et mieux armée, en particulier à
partir de 1593. Au contraire l'armée royaliste n'hésite pas à établir un siège
ou à combattre de front l'armée ennemie. Toutefois, des évolutions sont à noter
pendant ces 6 ans de troubles ligueurs. En effet, les troupes royalistes ne
deviennent vraiment actives qu'à partir de 1593. Il faut donc tâcher de
représenter sur la carte cette évolution temporelle et spatiale.
Mon premier projet de carte représente
la région de Lyon dans une perspective politique et stratégique, afin de voir
jusqu'à quel point les différentes armées, de 1589 à 1593, sont stratégiquement
favorisées l'une par rapport à l'autre. Le plus intéressant est de voir
l'évolution de la possession de terrain pour l'armée royaliste et les principales
villes ligueuses qui constituent la base de l'action rebelle dans la région.
Les points stratégiques sensibles et les zones de passage des troupes ennemies
sont intéressants à noter pour percevoir quelles armées sont placées de manière
favorable pour les contrôler. La place géographique des lieux de combats ou des
batailles importantes permettent de comprendre pourquoi les troupes ligueuses
ont manqué de stratégie et ont été obligées de combattre l'armée ennemie.
Enfin, il est intéressant de percevoir l'ensemble de ces différents points
géographiques afin de voir quels sont les liens entre la ville de Lyon et les
places fortes ligueuses, c'est-à-dire de voir quels obstacles il existe entre
les positionnements des troupes ligueuses et la ville principale de la région
qui commande stratégiquement les troupes, et jusqu'à quel point les troupes
royalistes parviennent à couper l'armée ennemie de son point d'attache que
constitue la ville de Lyon.
Pour commencer la première carte,
j'ai du d'abord créer mon fond de carte, qui n'existe pas actuellement,
puisqu'il s'agit du gouvernement du Lyonnais, Forez et Beaujolais à l'époque
moderne. Je me suis fondée sur une carte du XVIIIème siècle de Robert de
Vaugondy représentant ce gouvernement[1]. J'ai noté tous les
villages et toutes les villes aux frontières des trois provinces du
gouvernement à cette époque. J'ai pris des villes et villages qui existent
encore aujourd'hui afin de pouvoir les localiser sur les couches des communes
et départements actuelles, que j'ai pris sur Geofla, et de tracer à partir de
ces villes et villages les frontières de l'époque. J'ai ensuite placé les
principales villes ligueuses, en m'aidant toujours de l'emplacement des
communes actuelles. Les documents de l'époque (les délibérations municipales de
Lyon) m'ont permis de placer sur la carte les points stratégiques sensibles,
les batailles importantes, les zones de passage, ainsi que les zones de passage des troupes royalistes.
Cette carte m'a permis de remarquer que les ligueurs ont pris possession de toutes les grandes villes de la région située près des fleuves. En effet, l'utilisation du fleuve pour transporter des marchandises et pour ravitailler les troupes fait de ces lieux d'habitation les villes-clefs de la région. Contrôler un point de passage du fleuve permet d'aller et venir d'une région à l'autre et d'empêcher ou de bloquer des troupes ennemies sur un des bords du fleuve. Les points sensibles sont alors situés au bord des fleuves et près de grandes villes comme Vienne, Lyon ou Thoissey, qui est un bastion ligueur. Les zones où se situent les garnisons royalistes évoluent au cours des années. Situées d'abord en Dauphiné, les royalistes parviennent à atteindre le nord de Lyon, les Dombes, en 1593. La carte permet de percevoir la volonté d'encerclement de l'armée royale, un encerclement des ligueurs dans une zone restreinte autour de Lyon. On voit aussi que les zones ligueurs et royalistes sont bien partagées. Tandis que les principales villes ligueuses sont situées dans la moitié sud du Lyonnais et du Forez, les royalistes ne parviennent à mener des combats qu'en dehors du gouvernement du Lyonnais, Forez et Beaujolais, en occupant des zones qui sont coupées du gouvernement par le fleuve. Malgré des batailles importantes près de Vienne ou de Givors, et quelques incursions dans le Forez, autour de Feurs, l'armée royale ne parvient pas à s'installer dans le Lyonnais. Le positionnement de chaque armée de 1589 à 1593 est ainsi clairement visible et peut être analysée dans une perspective géostratégique et politique.
La seconde carte réalisée
représente la situation du gouvernement en 1594, qui est l'année où les plus
grandes villes de la région se rendent au roi Henri IV et le moment où les
troupes royales arrivent plus massivement. Une fois le fond de carte mis en
place, j'ai indiqué les dates de reddition de la plupart des grands forts
ligueurs ainsi que les zones d'action des armées commandées chacune par un
chef, royaliste ou ligueur. Cela permet d'analyser l'évolution de l'avancée des
troupes royales et la stratégie militaire de la Ligue catholique avec la
localisation de Lyon au coeur de toutes les manoeuvres militaires. Les points
sensibles, évoquées dans les textes comme lieux de grands combats, permettent
de voir quels sont les bastions de résistance ligueuses ou encore les zones
dans lesquelles les troupes ligueuses risque de s'assembler pour combattre
l'ennemi commun. Le passage des troupes d'une région à l'autre peut être perçue
dans les documents à travers le courrier que s'envoient les différents chefs
militaires. Enfin, j'ai ajouté le nom de chacun des chefs militaires, car
politiquement cela a une importance, afin de voir quelle est leur stratégie
personnelle, s'ils agissent conjointement ou non et si le gouvernement des
échevins de Lyon a une influence militaire sur eux, avant la reddition (en
février 1594) et après celle-ci, lorsque les échevins en place, anciennement
ligueurs, peuvent prendre la parole pour tenter de contrôler les agissements de
l'armée royaliste.
L'analyse de la carte nous permet
de percevoir d'abord l'évolution de l'armée royaliste par rapport à la carte
précédente. En effet, les chefs ligueurs parviennent à pénétrer dans le
gouvernement du Forez, Lyonnais et Beaujolais, par le sud avec l'armée du
connétable de Montmorency, et par l'est avec Humbert Grollier du Soleil qui
parvient à prendre possession des places qui vont de Lyon à Vienne. La carte
révèle que malgré cette avancée royaliste, certaines régions restent des
bastions ligueurs pendant assez longtemps. Il s'agit de la région de Forez,
dans laquelle se réfugie le duc de Nemours et ses troupes : les grandes villes
(Feurs, Montbrison) ne se rendent qu'en 1595. Vienne et Thoissey, au sud et au
nord de Lyon, constituent aussi des places de résistance. Cela a son
importance, comme le montre la carte, car les armées ligueuses tentent de se
joindre au nord de Lyon, vers Thoissey, afin de prendre Lyon en tenaille : le vicomte
de Tavannes et le marquis de Treffort ont bien une stratégie militaire commune,
contrecarrée par le colonel d'Ornano qui tente d'empêcher cette jointure qui
peut engendrer un grand rassemblement des forces ligueuses. Le contrôle du
fleuve devient un enjeu fondamental, comme le montre la carte. La région est
donc bien partagée en un axe qui va du sud-ouest au nord-est : au nord de cet
axe, les troupes ligueuses sont encore bien actives en 1594, tandis qu'au sud,
les victoires royalistes sont de plus en plus nombreuses.
Ces mouvements de troupes ont de
graves conséquences dans les campagnes, puisque les ravages militaires
perturbent l'activité économique de toute la région. Ces conséquences directes
de la Ligue catholique amènent le gouvernement de Lyon à réagir. J'ai donc
trouvé intéressant de voir comment s'organisent ces révoltes paysannes dans le
région et la mises en défense des villes menacées. Pour la troisième carte, j'ai cherché dans les documents de
l'époque, toujours dans les délibérations municipales de Lyon, quelles étaient
les régions et les villages en révolte mentionnées par les échevins. Puis j'ai
trouvé quelles ont été leurs réactions concrètes pour mettre en défense la
ville, ce qui se traduit par des déplacements de canons à certains endroits de
Lyon, ainsi que des lettres envoyées à différentes villes pour les mettre en
garde contre les villages qui "sonnent le tocsin". J'ai mis ces
informations en relation avec les mouvements de troupes qui ravages de manière
conscience les campagnes, notamment autour des villes, pour couper les
habitants du ravitaillement des paysans. Certaines villes ont été
particulièrement touchées car pillées, comme Montluel par exemple qui l'est
deux fois, par les troupes ligueuses puis par les troupes royalistes.
La carte montre clairement que les
pillages des campagnes qui ont lieu aux alentours de Lyon provoquent des
soulèvements de villages qui marchent en direction de Lyon. En effet,
lorsqu'une crise économique et donc sociale touche les campagnes, les paysans
ont le réflexe d'aller chercher de l'aide ou un refuge près des villes qui
regorgent de différents produits. Cela explique le petit décalage entre les
zones particulièrement pillées et les zones de révolte : les paysans quittent
leurs lieux d'habitation ravagés par les troupes et ameutent les villages
voisins qui répondent par solidarité. Autour de Feurs ou de Lyon, la réaction
est la même : il s'agit avant tout de protéger le commerce de la ville et les
attaques possibles par le fleuve. Les gouvernements de ces villes protègent
donc en priorité les alentours du fleuve. Cette mise en défense est une réponse
politique et militaire des ligueurs qui refusent d'aider les paysans en pleine
période de troubles et protègent les habitants des villes afin d'éviter une
émeute de la population urbaine, comme cela arrive fréquemment par ricochet aux
troubles de la campagne.
Il s'agit là de quelques pistes de
lecture et d'analyse des cartes. Il faut que je les étoffe avec les lectures
des documents de l'époque, mis en relation avec ces cartes. La difficulté
première de la réalisation de telles cartes avec le SIG a été la mise en place
du fonds de carte, qui m'a pris beaucoup de temps et qui n'est pas toujours
facile à mettre en oeuvre à partir d'une carte de l'époque moderne. Ensuite, j'ai eu des difficultés
avec l'élaboration des zones de combats, d'action ou de révoltes, car
l'imprécision des documents de l'époque conduit à une approximation des données
géographiques. J'ai donc tenté de croiser différentes sources, entre les
délibérations municipales, la correspondance,... pour avoir un maximum
d'information géographique. Les zones de passage ou les points sensibles sont
beaucoup plus faciles à localiser avec l'envoi de courrier et des gouvernements
urbains qui n'ont qu'une seule préoccupation : celle de protéger ces points
stratégiques. Le logiciel QGIS permet ainsi d'analyser très en détail
l'évolution temporelle et spatiale de chaque camp, mais aussi de faire une analyse
politique en mettant en relation différents points ou zones sur les cartes, et
surtout en croisant les informations des cartes et des documents.
[1]Robert
de Vaugondy, Gouvernement general du Lyonois
divisé en Lyonois, Forez et Beaujolois, Paris, [s.n.], 1752, Bnf.,
Département Cartes et plans, GEDD-2987.