Monday, January 11, 2016

Projet SIG




Projet SIG


Sujet du mémoire : Claude de Rubys et le réseau ligueur lyonnais, 1589-1594


Cartes du gouvernement de Lyon : _Stratégies royalistes et ligueuses                                                         
                                                        _L'année de la reddition de Lyon (1594)
                                                        _Révolte paysanne, réaction ligueuse


        Mon mémoire porte sur le réseau ligueur lyonnais qui a mis à sa tête un homme politique important, Claude de Rubys. Dans la perspective de voir comment les membres de ce réseau gouvernent la ville et donc ses environs, c'est-à-dire les villes alentours et les campagnes, une partie de mes recherches s'orientent vers le fonctionnement de ce réseau et ses moyens d'action à l'extérieur de Lyon, dans le gouvernement du Lyonnais, Forez et Beaujolais. Les ligueurs lyonnais sont en contact avec des chefs militaires nobles qui commandent des troupes ligueuses dans toute la région. Comprendre les stratégies des deux armées est important avant de créer les cartes SIG, afin de représenter sur les cartes le comportement de ces armées et de l'analyser en détail. Les chefs ligueurs tentent de prendre des villes royalistes de différentes manières. La plupart du temps, ils se rassemblent dans un lieu qu'ils contrôlent, que ce soit une ville ou un village, puis ils partent piller la campagne autour de la ville qu'ils tentent de prendre. Ils ont donc une stratégie de mouvement et d'évitement, puisqu'ils veulent éviter le combat avec l'armée du roi plus nombreuse et mieux armée, en particulier à partir de 1593. Au contraire l'armée royaliste n'hésite pas à établir un siège ou à combattre de front l'armée ennemie. Toutefois, des évolutions sont à noter pendant ces 6 ans de troubles ligueurs. En effet, les troupes royalistes ne deviennent vraiment actives qu'à partir de 1593. Il faut donc tâcher de représenter sur la carte cette évolution temporelle et spatiale.
       Mon premier projet de carte représente la région de Lyon dans une perspective politique et stratégique, afin de voir jusqu'à quel point les différentes armées, de 1589 à 1593, sont stratégiquement favorisées l'une par rapport à l'autre. Le plus intéressant est de voir l'évolution de la possession de terrain pour l'armée royaliste et les principales villes ligueuses qui constituent la base de l'action rebelle dans la région. Les points stratégiques sensibles et les zones de passage des troupes ennemies sont intéressants à noter pour percevoir quelles armées sont placées de manière favorable pour les contrôler. La place géographique des lieux de combats ou des batailles importantes permettent de comprendre pourquoi les troupes ligueuses ont manqué de stratégie et ont été obligées de combattre l'armée ennemie. Enfin, il est intéressant de percevoir l'ensemble de ces différents points géographiques afin de voir quels sont les liens entre la ville de Lyon et les places fortes ligueuses, c'est-à-dire de voir quels obstacles il existe entre les positionnements des troupes ligueuses et la ville principale de la région qui commande stratégiquement les troupes, et jusqu'à quel point les troupes royalistes parviennent à couper l'armée ennemie de son point d'attache que constitue la ville de Lyon.
            Pour commencer la première carte, j'ai du d'abord créer mon fond de carte, qui n'existe pas actuellement, puisqu'il s'agit du gouvernement du Lyonnais, Forez et Beaujolais à l'époque moderne. Je me suis fondée sur une carte du XVIIIème siècle de Robert de Vaugondy représentant ce gouvernement[1]. J'ai noté tous les villages et toutes les villes aux frontières des trois provinces du gouvernement à cette époque. J'ai pris des villes et villages qui existent encore aujourd'hui afin de pouvoir les localiser sur les couches des communes et départements actuelles, que j'ai pris sur Geofla, et de tracer à partir de ces villes et villages les frontières de l'époque. J'ai ensuite placé les principales villes ligueuses, en m'aidant toujours de l'emplacement des communes actuelles. Les documents de l'époque (les délibérations municipales de Lyon) m'ont permis de placer sur la carte les points stratégiques sensibles, les batailles importantes, les zones de passage, ainsi que  les zones de passage des troupes royalistes.





      Cette carte m'a permis de remarquer que les ligueurs ont pris possession de toutes les grandes villes de la région située près des fleuves. En effet, l'utilisation du fleuve pour transporter des marchandises et pour ravitailler les troupes fait de ces lieux d'habitation les villes-clefs de la région. Contrôler un point de passage du fleuve permet d'aller et venir d'une région à l'autre et d'empêcher ou de bloquer des troupes ennemies sur un des bords du fleuve. Les points sensibles sont alors situés au bord des fleuves et près de grandes villes comme Vienne, Lyon ou Thoissey, qui est un bastion ligueur. Les zones où se situent les garnisons royalistes évoluent au cours des années. Situées d'abord en Dauphiné, les royalistes parviennent à atteindre le nord de Lyon, les Dombes, en 1593. La carte permet de percevoir la volonté d'encerclement de l'armée royale, un encerclement des ligueurs dans une zone restreinte autour de Lyon. On voit aussi que les zones ligueurs et royalistes sont bien partagées. Tandis que les principales villes ligueuses sont situées dans la moitié sud du Lyonnais et du Forez, les royalistes ne parviennent à mener des combats qu'en dehors du gouvernement du Lyonnais, Forez et Beaujolais, en occupant des zones qui sont coupées du gouvernement par le fleuve. Malgré des batailles importantes près de Vienne ou de Givors, et quelques incursions dans le Forez, autour de Feurs, l'armée royale ne parvient pas à s'installer dans le Lyonnais. Le positionnement de chaque armée de 1589 à 1593 est ainsi clairement visible et peut être analysée dans une perspective géostratégique et politique.
       La seconde carte réalisée représente la situation du gouvernement en 1594, qui est l'année où les plus grandes villes de la région se rendent au roi Henri IV et le moment où les troupes royales arrivent plus massivement. Une fois le fond de carte mis en place, j'ai indiqué les dates de reddition de la plupart des grands forts ligueurs ainsi que les zones d'action des armées commandées chacune par un chef, royaliste ou ligueur. Cela permet d'analyser l'évolution de l'avancée des troupes royales et la stratégie militaire de la Ligue catholique avec la localisation de Lyon au coeur de toutes les manoeuvres militaires. Les points sensibles, évoquées dans les textes comme lieux de grands combats, permettent de voir quels sont les bastions de résistance ligueuses ou encore les zones dans lesquelles les troupes ligueuses risque de s'assembler pour combattre l'ennemi commun. Le passage des troupes d'une région à l'autre peut être perçue dans les documents à travers le courrier que s'envoient les différents chefs militaires. Enfin, j'ai ajouté le nom de chacun des chefs militaires, car politiquement cela a une importance, afin de voir quelle est leur stratégie personnelle, s'ils agissent conjointement ou non et si le gouvernement des échevins de Lyon a une influence militaire sur eux, avant la reddition (en février 1594) et après celle-ci, lorsque les échevins en place, anciennement ligueurs, peuvent prendre la parole pour tenter de contrôler les agissements de l'armée royaliste.






              L'analyse de la carte nous permet de percevoir d'abord l'évolution de l'armée royaliste par rapport à la carte précédente. En effet, les chefs ligueurs parviennent à pénétrer dans le gouvernement du Forez, Lyonnais et Beaujolais, par le sud avec l'armée du connétable de Montmorency, et par l'est avec Humbert Grollier du Soleil qui parvient à prendre possession des places qui vont de Lyon à Vienne. La carte révèle que malgré cette avancée royaliste, certaines régions restent des bastions ligueurs pendant assez longtemps. Il s'agit de la région de Forez, dans laquelle se réfugie le duc de Nemours et ses troupes : les grandes villes (Feurs, Montbrison) ne se rendent qu'en 1595. Vienne et Thoissey, au sud et au nord de Lyon, constituent aussi des places de résistance. Cela a son importance, comme le montre la carte, car les armées ligueuses tentent de se joindre au nord de Lyon, vers Thoissey, afin de prendre Lyon en tenaille : le vicomte de Tavannes et le marquis de Treffort ont bien une stratégie militaire commune, contrecarrée par le colonel d'Ornano qui tente d'empêcher cette jointure qui peut engendrer un grand rassemblement des forces ligueuses. Le contrôle du fleuve devient un enjeu fondamental, comme le montre la carte. La région est donc bien partagée en un axe qui va du sud-ouest au nord-est : au nord de cet axe, les troupes ligueuses sont encore bien actives en 1594, tandis qu'au sud, les victoires royalistes sont de plus en plus nombreuses.

          Ces mouvements de troupes ont de graves conséquences dans les campagnes, puisque les ravages militaires perturbent l'activité économique de toute la région. Ces conséquences directes de la Ligue catholique amènent le gouvernement de Lyon à réagir. J'ai donc trouvé intéressant de voir comment s'organisent ces révoltes paysannes dans le région et la mises en défense des villes menacées. Pour la troisième  carte, j'ai cherché dans les documents de l'époque, toujours dans les délibérations municipales de Lyon, quelles étaient les régions et les villages en révolte mentionnées par les échevins. Puis j'ai trouvé quelles ont été leurs réactions concrètes pour mettre en défense la ville, ce qui se traduit par des déplacements de canons à certains endroits de Lyon, ainsi que des lettres envoyées à différentes villes pour les mettre en garde contre les villages qui "sonnent le tocsin". J'ai mis ces informations en relation avec les mouvements de troupes qui ravages de manière conscience les campagnes, notamment autour des villes, pour couper les habitants du ravitaillement des paysans. Certaines villes ont été particulièrement touchées car pillées, comme Montluel par exemple qui l'est deux fois, par les troupes ligueuses puis par les troupes royalistes. 






           La carte montre clairement que les pillages des campagnes qui ont lieu aux alentours de Lyon provoquent des soulèvements de villages qui marchent en direction de Lyon. En effet, lorsqu'une crise économique et donc sociale touche les campagnes, les paysans ont le réflexe d'aller chercher de l'aide ou un refuge près des villes qui regorgent de différents produits. Cela explique le petit décalage entre les zones particulièrement pillées et les zones de révolte : les paysans quittent leurs lieux d'habitation ravagés par les troupes et ameutent les villages voisins qui répondent par solidarité. Autour de Feurs ou de Lyon, la réaction est la même : il s'agit avant tout de protéger le commerce de la ville et les attaques possibles par le fleuve. Les gouvernements de ces villes protègent donc en priorité les alentours du fleuve. Cette mise en défense est une réponse politique et militaire des ligueurs qui refusent d'aider les paysans en pleine période de troubles et protègent les habitants des villes afin d'éviter une émeute de la population urbaine, comme cela arrive fréquemment par ricochet aux troubles de la campagne.

        Il s'agit là de quelques pistes de lecture et d'analyse des cartes. Il faut que je les étoffe avec les lectures des documents de l'époque, mis en relation avec ces cartes. La difficulté première de la réalisation de telles cartes avec le SIG a été la mise en place du fonds de carte, qui m'a pris beaucoup de temps et qui n'est pas toujours facile à mettre en oeuvre à partir d'une carte de l'époque  moderne. Ensuite, j'ai eu des difficultés avec l'élaboration des zones de combats, d'action ou de révoltes, car l'imprécision des documents de l'époque conduit à une approximation des données géographiques. J'ai donc tenté de croiser différentes sources, entre les délibérations municipales, la correspondance,... pour avoir un maximum d'information géographique. Les zones de passage ou les points sensibles sont beaucoup plus faciles à localiser avec l'envoi de courrier et des gouvernements urbains qui n'ont qu'une seule préoccupation : celle de protéger ces points stratégiques. Le logiciel QGIS permet ainsi d'analyser très en détail l'évolution temporelle et spatiale de chaque camp, mais aussi de faire une analyse politique en mettant en relation différents points ou zones sur les cartes, et surtout en croisant les informations des cartes et des documents.  


[1]Robert de Vaugondy, Gouvernement general du Lyonois divisé en Lyonois, Forez et Beaujolois, Paris, [s.n.], 1752, Bnf., Département Cartes et plans, GEDD-2987.

Devoir final : test de QGIS.


Devoir final : test de QGIS.

Dans la cadre du devoir final portant sur des exemples de l'utilisation de QGIS, j'ai réalisé plusieurs cartes. Elles ont plus ou moins un lien avec mon sujet de recherche mais elles représentent le style de carte dont je vais avoir besoin pour valoriser les données que je récolte actuellement.

La première carte illustre la répartition des assemblées des habitants du marquisat de Virieu des années 1760 à 1790 :


Cette seconde carte illustre la construction du canton de Virieu de 1790 à 1826 :

  

La troisième carte montre la population du canton de Virieu en 1891 (selon un classement des villages dans des tranches) :

 

Enfin la quatrième carte évoque la mortalité dans le canton de Virieu en 1892 :


Il s'agit de tests pour essayer les fonctionnalités du logiciel et également pour pouvoir discuter avec vous de la pertinence ou non de certains choix. 

Tuesday, November 17, 2015

Les GIS au service de l'histoire des langues

Les professeurs Quentin Atkinson et Russell Gray, de l'Université d'Auckland (Nouvelle-Zélande) présentent en 2012 le résultat de leurs recherches sur l'origine des langues indo-européennes, en faveur de la théorie anatolienne. Deux vidéos sont réalisées à cette occasion, pour appuyer cette théorie et illustrer leur démonstration.

L'article publié dans Nature, accessible sans paiement (au contraire de l'article original publié dans le même journal).

La vidéo qui illustre l'article, réalisée grâce à Google Earth.

La vidéo de Business Insider, qui reprend cette théorie et l'illustre d'une manière plus claire.

Sunday, November 15, 2015

Exploration - L'utilisation des SIG et son évolution

À travers une sélection de cinq sites internet, nous pouvons suivre l’évolution de l’utilisation des Systèmes d'Informations Géographiques dans le cadre de l’étude des sciences humaines. L’angle d’approche choisi au départ, celui de l’histoire, ne peut en effet ici suffire à qualifier les champs de recherche abordés dans ces exemples.

The Valley of the Shadows, ou The Valley Project, est une création du Virginia Center for Digital History de l’Université de Virginie, alimentée entre 1993 et 2007. Il recense et regroupe un très vaste catalogue de documents variés autour de la période de la guerre de Sécession, en se focalisant sur deux comtés américains, le comté d’Augusta en Virginie, et le comté de Franklin, en Pennsylvanie, situés respectivement au Sud et au Nord de ce que l’on pourrait appeler la ligne de démarcation de l’esclavage.

Au-delà de l’utilisation des SIG, la navigation se fait par le biais d’une structure inhabituelle : le menu évoque la forme d’un plan d’un bâtiment, une bibliothèque par exemple. L’ancienneté du projet, pionnier en son genre, lui donne un côté suranné. La plupart des ressources géographiques constitue un ensemble de cartes. Seule celle des batailles de la guerre de Sécession est interactive, sur le même modèle que celle présentée sur le projet Virtual Jamestown.

Mapping the Lakes, sans doute plus tardif quoique nulle date ne soit indiquée, fut produit par le département des arts et des sciences sociales de l’Université de Lancastre, et offre de reproduire sous forme de cartes le trajet poétique des écrivains anglais Thomas Gray et Samuel Taylor Coleridge à travers la région des lacs, dans le nord de l’Angleterre, à la fin du XVIème et au début du XVIIIème siècle. Plus qu’historique, c’est un parcours littéraire qui est dévoilé à nos yeux, à travers la représentation cartographique des journaux, carnets de voyage et lettres des deux auteurs. Le site internet est remarquable par la simplicité de sa navigation, le menu sur la gauche est d’une clarté confondante, et le projet y est analysé et présenté avec une grande rigueur. On peut ainsi prendre connaissance des buts, littéraires et géographiques, que ce sont fixés les chercheurs, ainsi que lire la manière dont ils ont choisi d’exploiter les SIG pour y parvenir.

Les différentes cartes nous permettent toutefois de nous focaliser surtout sur les trajets effectués par les deux poètes, ainsi que de constater leur propension à évoquer un lieu sans l’avoir vraiment visité. Certains éléments présentés sur Google Earth ne me semblent pas offrir davantage d’informations, mais la démarche est néanmoins à signaler par son originalité. Il est à noter que Ian Gregory a fait partie de l’équipe de recherche qui a travaillé sur le projet.

GIS for History, un projet commencé en 2005 par l’Université de l’Illinois, se propose de créer un ensemble de ressources à but clairement pédagogique : la page d’accueil nous offre de choisir entre une consultation estudiantine, ou un éventail de plan de cours professoral. Le tout s’articule autour des grands thèmes de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique. Des cartes interactives, dont on peut faire varier les éléments à volonté afin de pointer du doigt certaines nuances, sont accompagnées d’une riche source documentaire sous forme de documents textes ou de sites internet. Ce qui m’a semblé notable, c’est le soin qui a été pris d’attirer l’attention du visiteur sur les risques d’imprécision de la cartographie, en abordant franchement la question : « Comment cette carte déforme les données ? ». En s’appuyant d’abord sur l’exemple des cartes choroplètes, l’ensemble des possibilités y est analysé, et le choix des auteurs argumenté.

A Vision of Britain through Time, réalisé entre 2009 et 2014, constitue ici aussi un recueil de ressources documentaires d’une richesse impressionnante sur la Grande Bretagne entre 1801 et 2001. La particularité de ce site est sa pluridisciplinarité, car non seulement l’histoire et la géographie, mais aussi la statistique, la littérature et les sciences sociales y sont sollicitées. Sur chaque carte présentée, il est possible de faire varier l’information affichée à volonté, afin d’obtenir une carte aussi précise et pertinente que souhaitable. Le site nous fournit de plus une longue explication sur l’utilisation des données présentées, et sur le meilleur moyen de les exploiter. Il me semble que c’est à ce type de travail que pensait Ian Gregory lorsque, au sujet de l’approche qualitative des SIG, il évoquait la possibilité de créer un outil qui ne permette plus seulement à l’utilisateur de lire une histoire, mais de l’explorer seul, par lui-même.

Enfin, le site de l’AnaLyse diachronique de l'espace urbain PArisien: approche GEomatique ou ALPAGE, propose une navigation claire et riche à la fois à dans l’histoire de l’espace urbain parisien. Une carte unique, mais dont le choix des éléments affichables donne le vertige. Une approche limpide et pertinente des SIG, une utilisation d’une grande qualité. L’exemple selon moi le plus abouti d’une utilisation historique des ressources numériques de la géographie, grâce à l’interdisciplinarité de l’équipe de chercheurs qui a travaillé sur le projet.


À travers les années, les buts et les méthodes, les Systèmes d'Informations Géographiques ont montré quelle richesse ils pouvaient fournir à un travail de recherche historique, et ces cinq sites nous permettent de constater cette variation et cette évolution.

Thursday, November 12, 2015

Lecture critique : vers un nouveau tournant de l'histoire spatiale ?

Gregory I.N. (2003) A Place in History: A guide to using GIS in historical research. Oxbow: Oxford, chap. 6 & 8

White, Richard (2010), "What is spatial history?, Spatial History lab, Stanford University, 1 February 2010.

Ethington, Philip J. (2007), Placing the past: Groundwork' for a spatial theory of history", Rethinking History, Vol. 11, no. 4, pp. 465-494

Mostern, R. and Johnson, I. (2008) "From named place to naming event: creating gazetteers for history", International Journal of Geographical Information Science, 22, pp. 1091- 1108


Les avancées technologiques des dernières décennies nous permettent-elles de constater un changement significatif dans le rapport entre l’histoire et la géographie, dans le traitement des données historiques ? Peut-on parler d’un tournant dans l’histoire spatiale ?

La première question à se poser est celle de la définition même de l’espace et de l’histoire, et avant encore de la notion de temps. Partant du général au particulier, il importe de comprendre que le temps n’a pas d’existence propre, en cela qu’il ne s’agit que d’une notion qui permet de mesurer un rapport dans le mouvement. Ethington oppose ainsi l’idée du temps naturel, tel que défini par les physiciens, au temps vécu, dont nous avons la perception. Il cite Bergson, Dilthey et James pour affirmer que la notion de présent n’est qu’une composante de la conscience. Partant de là intervient la définition de l’espace.

White cite à ce sujet la triade de Lefebvre, philosophe et géographe français, qui pose la triplicité de l’espace : la pratique spatiale, ie notre occupation de l’espace par le mouvement ; les représentations de l’espace, par des plans, des conceptions, la création, en somme, de l’espace à travers lequel l’homme évolue ; les espaces de représentations, enfin, attachés à un fort symbolisme. Ethington reprend aussi cette triplice de Lefebvre comme un constituant primordial de la définition de l’espace. White affirme cependant que les éléments de cette triplice ne sont pas imperméables les uns aux autres. Il s’oppose de plus à l’approche traditionnelle de la triplice par les historiens, qui s’attarderait davantage sur le langage de la spatialité. Selon White, à toutes les questions concernant la construction des relations spatiales, il existe une réponse unique, celle du mouvement, qui serait le point commun entre tous les éléments. C’est pourquoi selon lui l’approche traditionnelle, par cartographie, est incorrecte, car les cartes et les textes sont statiques, par opposition au dynamisme intrinsèque de l’espace.

Ethington propose une distinction entre le lieu (place)  qui serait subjectif et lié à nos affects, et l’espace, objectif et scientifique. Les lieux sont créés par les actions humaines, qui transforment l’espace en événement, une affirmation reprise par Mostern et Johnson. L’histoire ne serait qu’une carte de ces lieux. Il pose l’utilisation du terme grec topos(oi) comme idéale pour définir l’intersection entre le lieu-temps vécu et l’espace-temps naturel.

Dans ce cadre, les GIS sont des outils pertinents, d’après White, en cela qu’ils permettent la communication entre les cartes et les autres éléments graphiques utilisés habituellement dans l’étude de l’espace, et les travaux qui en dérivent. Il cite l’exemple d’ArcGIS, qui, quoiqu’il ne bénéficie pas d’une prise en main ergonomique, permet le traitement parallèle d’une carte et d’une photographie aérienne. Les GIS rendent les cartes historiques commensurables avec les conceptions modernes de l’espace et de la cartographie.

Toutefois, il ne faudrait pas réduire les GIS au seul aspect cartographique. Des graphiques, des tableurs, et d’autres éléments de visualisation peuvent être traités par ce biais. La carte n’est que la manière de présenter les données traitées. Gregory expose d’ailleurs longuement, à travers une importante série d’exemples de travaux à ce sujet, comment les GIS nous permettent d’appréhender le potentiel de la cartographie pour bien comprendre le monde à l’échelle sociale. Il insiste de plus sur le caractère interactif des GIS, qui, au-delà d’une série de cartes et de texte qui les accompagneraient, comme dans le cas des atlas papiers, permettent une communication active entre l’auteur et l’utilisateur, en cela que ce dernier va pouvoir utiliser les outils ainsi mis à sa disposition pour voyager à travers le travail de l’auteur, créer lui-même ses propres cartes, graphiques, etc. et ainsi mieux comprendre ce qui lui est présenté. Selon lui, les GIS ont permis un changement dans le rôle joué par les cartes dans l’étude historique. Ce qui était avant un produit final est aujourd’hui un outil de la recherche.

White et Gregory s’accordent cependant à dire que le potentiel des GIS est loin d’avoir été entièrement exploité, et que la technologie connaît quelques points qui gagneraient à être améliorés. Si l’on ne peut toutefois pas parler d’une révolution, il est en tout cas pertinent de considérer les GIS et les GISciences comme un pas vers une nouvelle manière de faire de l’histoire.

Monday, November 9, 2015

Des approches spatiales de l'histoire diversifiées

Les cinq sites utilisent les SIG au service de l’histoire mais se distinguent par le public auquel ils s’adressent, le niveau requis pour les exploiter, le domaine exploré, le volume des ressources, l’aspect collaboratif et/ou interdisciplinaire plus ou moins marqué, le caractère évolutif ou figé, la possibilité de se construire un itinéraire de visite, de télécharger des données, leur financement, entre autres.
Les SIG peuvent être conçus comme des outils de travail collaboratifs pour chercheurs à l’image du site ALPAGE relatif à l’information géohistorique sur Paris. Il s’agit d’une réalisation interdisciplinaire associant historiens, géographes, archéologues et informaticiens. Initié sous l’égide de l’ANR, du CNRS et de la ville de Paris, il a ensuite poursuivi son enrichissement grâce à des collaborations moins encadrées entre chercheurs et étudiants, ce qui permet une mise jour annuelle ou bisannuelle. Néanmoins, la récupération de données cartographiques par le visiteur est possible. Plusieurs niveaux d’utilisation sont donc accessibles de la simple restitution à la création de cartes originales à partir des données stockées et personnalisables graphiquement. L’apport original des GIS et ici évident par rapport à un simple support écrit classique.
Dans le domaine de la recherche, le site Mapping the Lakes présente la particularité d’annoncer d’emblée son caractère expérimental : c’est le domaine auquel il s’applique qui est nouveau, à savoir la littérature. Au travers de deux récits de voyage dans la même région écossaise, il s’agit de voir en quoi l’utilisation d’un GIS peut enrichir la compréhension d’un texte littéraire mettant en jeu des lieux et un espace donnés. L’aspect historique est assez peu marqué, mis à part le fait que les deux voyages datent de 1769 et 1802. Les informations cartographiques sont limitées mais l’important n’est pas là pour les chercheurs. Ils s’attachent par contre à développer les problèmes rencontrés, les questions posées par l’utilisation des SIG dans un domaine tel que la littérature, les apports possibles. Il s’agit d’un projet qui permet aussi de tester la possibilité d’interdisciplinarité. Il est par ailleurs conduit avec des moyens très limités (de l’ordre de cinq personnes) et financé par une institution, la British Academy.
A l’autre extrémité du spectre en ce qui concerne les moyens, The Valley Project met en œuvre des ressources humaines considérables (plusieurs dizaines de personnes, universitaires et étudiants, mais aussi techniciens). Le financement est assuré par plusieurs institutions et fondations, notamment universitaires. La richesse du site est impressionnante et s’apparente plus à une bibliothèque qu’à une seule ressource. Bâti autour d’archives sur la période de la guerre de Sécession (1850-1870), il autorise et impose même un parcours personnalisé dans la mesure où la visite ne peut être exhaustive. L’interactivité est limitée, même si des recherches à partir de paramètres choisis sont possibles. Les ressources sont construites à partir des archives et utilisent en partie seulement les moyens des SIG. Au travers de données relatives à deux comtés de Virginie et de Pennsylvanie, elles servent de support à une reconstitution de l’environnement et de la vie quotidienne des acteurs de l’époque. Le site s’adresse en premier lieu à un public large intéressé par l’histoire américaine.
Tourné lui aussi vers un vaste public, A Vision of Britain, sollicite très directement le visiteur en faisant appel à un moteur de recherche à partir d’un nom de lieu. Il s’agit d’un site collaboratif libre dont les sources historiques portent sur des cartes anciennes, des recensements, des résultats d’élections et des récits de voyages. L’aspect pédagogique est nettement marqué via la présence de guides et de tutoriels. Deux particularités méritent d’être signalées : la base de données est mise à profit pour répondre à des besoins personnalisées en matière de généalogie, activité populaire susceptible d’amener un public a priori peu intéressé par les autres ressources historiques du site. Autre signe distinctif : une partie des données téléchargeables sont payantes, ce qui permet de financer, au moins partiellement, le fonctionnement.
            S’il présente un caractère pédagogique encore plus marqué, GIS for History s’adresse à deux catégories de public bien ciblées : les lycéens et étudiants, d’une part, les professeurs d’autre part. Aux premiers, il propose l’exploration d’une série de thèmes historiques relatifs au peuplement des Etats-Unis depuis 1790. L’étudiant est guidé dans sa démarche par une série de questions auxquelles il peut ensuite tenter de répondre en s’appuyant sur les ressources cartographiques et statistiques concernant l’histoire proprement dite, la démographie, l’économie, le volet social. Les données historiques du peuplement (recensements) se prêtent particulièrement bien à l’utilisation de l’outil GIS qui en procure une visualisation spatiale frappante. Du côté des enseignants, le site fournit des plans de cours directement utilisables. L’aspect pratique a été particulièrement soigné, y compris à un niveau de détail avancé (feuille d’évaluation des étudiants, par exemple). Par contre, il s’agit d’une ressource très dirigée, offrant une souplesse d’utilisation limitée. Un site construit en grande partie par des enseignants pour des enseignants, mais qui vise aussi à élargir et faciliter l’accès aux données historiques chiffrées.

Les sites explorés présentent des caractéristiques bien différentes en termes de promoteurs, de publics visés, de mises en œuvre spatiales des données historiques, de financement, de domaines explorés ; cette variété constitue en soi une bonne illustration d’une certaine entrée dans la maturité de l’utilisation des GIS en histoire. Une diversification qui est appelée à s’enrichir et montre que, utilisée de manière pertinente, l’approche spatiale de l’histoire rend des services originaux.

SIG et son utilisation sur 5 sites



The valley of the shadow : two communities in the American Civil War

Le site est réalisé par l’université de Virginie qui numérise ses documents entre 1859 et 1870. Répartie en 3 périodes avant pendant et après la guerre civile américaine.
Le site n'est pas vraiment un SIG a proprement parlé, car il semble imité un bâtiment surement une partie de la bibliothèque ou sa réserve. Mais le site est très bien fait, car la structure visuelle permet un affichage par préférence. Les informations sont très nombreuses ; par exemple d'après un soldat vous pouvez avoir sa fiche militaire, voir son acte de mariage avec son épouse, et tous les documents en relation du couple que se soit leurs journaux intimes respectifs ou les lettres qu'ils s'échangent.
La SIG se trouve plus appliquée dans la troisième section sur les batailles animées où l'on a la liberté de choisir des critères, on peut suivre l'évolution d'une unité, mais les informations sont beaucoup trop nombreuses pour l'échelle et rapidement la carte devient confuse, par contre chaque bataille notamment renvoie a une série de documents la concernant.


Mapping the Lakes : A Literary GIS

Le site est conçu par l'académie britannique et l'université de Lancaster qui a pour volonté de cartographier les lacs par SIG. L'originalité de ce travail c'est qu'il se base sur la littérature pour obtenir des données de sciences dures. Les travaux se basent sur deux textes Thomas Gray's journals et Samuel Taylor Cloredige's Tour of the Lake District, se sont des documents de 1769 et de 1802.
Les données sont téléchargeables en fichier kmz pour être mis sur Google earth notamment. Il est intéressant de noter qu'une carte de 1815 est superposable à la vue satellite.


ALPAGE : AnaLyse diachronique de l'espace urbain PArisien : approche GEomatique

Les travaux sont réalisés par la collaboration de 4 laboratoires de recherches, sont aidés par le CNR notamment en finançant le projet de 1006 à 2010. C'est un travail de SIG classique en géohistoire, mais qui se révèle extrêmement poussé. Les données sont libres ce qui est un plus pour des personnes travaillant sur l'espace urbain de Paris.
Le site possède d'une carte interactive vraiment poussée avec de nombreuses données avec lesquels ont peu équilibré l'affichage e avec des renseignement disponible dans la légende (ces informations sont très importante on comprend rapidement l’ampleur du travail effectué!). La somme d'information rend la carte extrêmement lourde ce qui peut limiter certaines connexions. La légende s’affiche à droite en fonction des critères que l'on a sélectionnés. Différents outils sont disponible comme mesurer de distance, mais aussi des espaces, crée des notes et obtenir la carte visualisée sur différents supports.


A vision of BRITAIN through time

Le site est fait par l'université de Porthmouth, il dispose de plusieurs cartes contemporain allant du XIXème siècle à nos jours, mais aussi de cartes construites avec des données statistiques que l'on choisit pour générer la carte que l'on souhaite. C'est un système simple pas très visuel, mais assez efficace, car il peut nous permettre d’avoir une sélection assez pointue bien que l'on ne puisse pas afficher plusieurs cartes ou superposer des calques. Mais le changement de donner se fait vite ce qui une bonne chose. Les sujets traités sont nombreux, industrie, démographie, politique, religion, etc.
Les données sont plutôt bien expliquées et il y en a pour tous les différents types de recherches.


GIS for History


Le site est créée par l'université de Chicago et de l'Illinois en 2005. sa dernière mise a jour est de 2008. le site veut offrir aux étudient et aux enseignants des données et des cartes sur l'histoire des États-Unis. Le site fourni de nombreux site partenaire ou d'outils a la recherche comme des archives en ligne dans son onglet « Related projects ». Les cartes peuvent au premier abord paraitre sommaires, mais en ajoutant des objets elles deviennent assez complexes. La carte reste tout de même petite. Mais le site incorpore un historique des différentes cartes généré. Pour la partie réservée aux professeurs le site donne des leçons avec des thématiques à aborder, mais surtout des conseils pour bien utiliser les cartes.