- Gregory I. N., Geddes A. ed., Toward Spatial
Humanities. Historical GIS & Spatial History, Indiana University
Press, Blooming & Indianapolis, 2014, introduction et
conclusion.
- Gregory I.N. (2003) A Place in History: a guide to using GIS in historical research, Oxbow: Oxford, chap. 5
- Knowles Ann, “"GIS and History" , Knowles A.K. ed., (2008) Placing History: How GIS is changing historical scholarship. ESRI Press: Redlands CA, 1-25
Les trois extraits d'ouvrages traitent des
rapports entre les Systèmes d'Informations Géographiques (SIG) et
l'histoire en tant que disciplines scientifiques. Les SIG sont des
logiciels alliant des repères cartographiques et géographiques,
développés pour des raisons commerciales, politiques, puis
scientifiques. Alors que de nombreux chercheurs pensent que ce
nouveau champ de recherche allait devenir indépendant, autant de
ceux historiques que de ceux géographiques, les historiens
s'intéressent – dans les années 1990, assez tardivement par
rapport aux géographes – aux possibilités méthodologiques que
peut proposer cet outil scientifique, et s'inscrivant dans un courant
historique intéressé par la simplification de données
statistiques, quantitatives, et massives. C'est d'ailleurs dans la
revue Social Science History que les premières publications à ce
propos apparaissent. Les considérations spatiales demeurent au
centre des prérogatives historiques, mais I.N Gregory précise très
rapidement, dès l'introduction, que cette base de données doit
nécessairement allier trois aspects : « attribute, space,
and time. »1.
Son intérêt premier est bien de créer des cartes, rendu possible
grâce à la « precision, that makes GIS so useful in many kind
of scientific and statistical analysis »2,
cohérent avec les critères scientifiques.
Chacun des trois extraits proposent ainsi
différentes approches concernant les HSIG, apportant des
informations théoriques ou pratiques, autour de ce que les
chercheurs peuvent faire, mais aussi des limites d'un tel outil, qui
se décline en différents logiciels. Cependant, pour Gregory, la
plupart des logiciels commerciaux de SIG n'incluent pas de
fonctionnalités temporelles, lacune primordiale pour l'historien. Il
est vrai que la question temporelle concentre les critiques de
ceux-ci : Gregory insiste largement dessus, tandis que les deux
autres extraits, de Knowles et du couple Gregory/Geddes, se limitent
à pointer ce biais. Dès lors, le premier auteur avance le concept
d'analyse diachronique, que les historiens peinent à dépasser avec
l'utilisation des HSIG. Il est difficile de parler d'histoire moderne
avec, comme seul support, des cartes du XXI ème siècle, comme sur
Google Earth. C'est pourquoi il est nécessaire de se munir de
logiciels adéquats, pouvant répondre à des questions précises,
comme « Has the object moved in the last two years ? »,
interrogations indispensables en histoire. Tout comme lors de la
séance précédente, lorsque nous avons vu qu'il fallait penser
transdisciplinarité, le HSIG est le fruit de cette union entre
géographie et histoire, entre une science donnant un quand, et une
autre proposant un où, concernant des champs de recherches
disparates, hétérogènes, d'où la volonté, pour les chercheurs,
de le laisser en dehors de champs disciplinaires propres.
Les limites d'un tel outil sont, à la base,
autant sur les questions temporelles liées par l'utilisation
historique, mais aussi sur sa précision et son degré de technicité.
La précision de Google Maps ou Earth suffissent amplement à
l'utilisateur lambda, non-scientifique, comme ce que nous avions
remarqué lors de nos analyses critiques de ces deux logiciels il y a
quelques temps ; cependant, le scientifique ne peut s'en
satisfaire, autant pour définir précisément les espaces que le
temps. Chaque carte évolue dans le temps, et il est donc nécessaire
de contextualiser, par l'obtention d'une date précise, lors de
laquelle la carte ou la photographie a été prise. En ce qui
concerne l'espace, les clichés aériens ne sont pas tous de la même
précision : les affinements changent selon les régions, les
villes, les espaces ruraux. Les historiens doivent alors se
satisfaire des aléas commerciaux et du privé afin d'utiliser ces
logiciels, qui ne sont pas prévus et conçus pour eux. De plus, ces
outils sont complexes, autant du point de vue méthodologique que
technique, puisqu'ils font sans cesse référence au monde
informatique, par la codification ou par la structuration de données
infinies. L'apprentissage au maniement de ceux-ci demande du temps,
alors que les logiciels eux-même sont très inscrits dans une
période courte donnée, évoluant rapidement et pouvant même
disparaître selon les aléas du marché.
Toutefois, il faut rapidement se rendre à
l'évidence : une fois les lacunes temporelles résolues, les
HSIG fournissent de nouvelles perspectives d'études, et permettent
une ouverture sur des sujets plus complexes. Les possibilités se
concentrent dans trois catégories, que sont l'organisation par le
SIG de données inscrites dans l'espace et le temps, les « attribute
data » et les « spatial data »3
définies par Geddes et Gregory, mêlant des sources et/ou des
informations de natures différentes, mais complémentaires pour le
chercheur. Ensuite, le SIG peut facilement se muer en carte, bien
plus lisible pour la transmission de l'information au cœur d'une
publication scientifique, mais aussi rendant possible la
multiplication des illustrations rapidement et sans contrainte
matérielle. Enfin, le SIG permet une différenciation des échelles
et des ampleurs historiques, ainsi que des itinéraires, bien plus
analysables qu'à l'écrit. Tout cela permet une meilleure lisibilité
des sources et de leurs analyses scientifiques.
Enfin, concernant les sujets qui peuvent être
renforcés par l'utilisation de HSIG, les trois extraits sont
prolixes. Le duo Geddes et Gregory organise leur ouvrage en six
essais, mélangeant la théorie – « on the deepening of the
field into the applied scholarship that develops historiography. »4
à l'analyse de sujets précis, comme l'exploration des changements
agricoles en Angleterre, Pays de Galles, et France par le biais de
l'invention du chemin de fer par exemple. Ce sujet est d'autant plus
pertinent par l'utilisation de HSIG, puisqu'il mêle une dimension
spatiale primordiale – les lignes en elles-même, les gares, etc. -
mais aussi des aspects temporels, autour des différentes dates des
constructions de celles-ci, donnant une perspective historique plus
forte à l'outil.
En conclusion, les extraits montrent bien
l'importance des HSIG dans la pratique historique actuelle.
Transdisciplinarité, clarté des données, spatialisation de
l'histoire sont des éléments à prendre en compte lors de
l'utilisation d'un tel outil, qui peut ingérer une quantité
croissante de données, autant spatiales que temporelles, dimensions
indispensables pour toute étude historique et scientifique. Il ne
faut cependant pas oublier les limites du HSIG, qui n'est pas conçu
pour l'historien, et donc dépourvu de données temporelles propres,
d'où l'importation nécessaire de telles informations au sein de ce
logiciel, mais aussi de la grande complexité de ceux-ci, modulable
et précaire dans leur existence même. Ils requièrent une formation
continue, indépendamment des cursus classiques, ce qui peut
rétracter certains. Mais l'usage semble se démocratiser par la mise
en place de tutoriels, de sites internet5,
et par la pertinence même de tels travaux.
1I.N
Gregory, A place in History : a guide to using GIS in
historical research, Oxbow,
Oxford, 2003, chapitre 5, 5.1
2A.Knowles,
« GIS and History », in : A.Knowles (dir.), Placing
History : How GIS is changing historical scholarship,
ESRI Press, Redlands CA, 2008, pp1-25.
3I.N
Gregory, A. Geddes, Toward Spatial Humanities. Historical GIS &
Spatial History, Indiana
University Press, Blooming and Indianapolis, 2014, Introduction.
4I.N
Gregory, A. Geddes, Toward... ibidem
p XV.
5Dont
www.boîteaoutils.info est le plus connu en français.
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