Sunday, November 8, 2015

Analyse critique des cinq sites

Histoire spatiale : vers un nouveau tournant ?

        Les cinq sites, créés pour la plupart par des historiens, utilisent le SIG de manière très différente. Les auteurs du site « GIS for history », créé en 2008, perçoivent le SIG comme un instrument à dessein pédagogique. Les logiciels aident les étudiants à comprendre les moments importants de l'histoire des Etats-Unis et les actions humaines dans le paysage, à travers une très riche base de données spatiales et temporelles et des cartes thématiques très claires. L'approche spatiale sert aux étudiants à générer leurs propres réflexions historiques, aidés par des questions et par des documents mis à leur disposition. Le site s'adresse aussi aux professeurs, en leur fournissant des projets et des idées pour stimuler les réflexions des étudiants autour des cartes (discussions, comparaisons de données,...) afin de les inciter à utiliser les cartes numériques dans le cadre de leur recherche comme des outils d'analyse et non comme de simples accompagnements du récit historique. Les auteurs de ce site ont conscience du problème des lacunes dans l'apprentissage du SIG par les futurs chercheurs, des lacunes qu'ils tentent de combler.
          La dimension pédagogique est moins présente dans le site « AnaLyse diachronique de l'espace urbain PArisien », qui met surtout l'accent sur l'idée d'échange et de partage des informations et des données sur la ville de Paris. Ces données spatiales et temporelles ont des caractéristiques très différentes : les couches de données sont très nombreuses et variées (politique, économique,...) et les cartes enregistrées remontent jusqu'à l'époque médiévale. Les auteurs du site ont tenté de réunir, de 2006 à 2010, de très nombreuses informations sur la ville, afin de présenter un panorama cartographique de Paris le plus complet possible : dimensions géographique et physique, morphologie du bâtiment,... . Les données sont disponibles pour tout le monde, sous forme de fichier ZIP, et gratuites. Le dessein final du site est de développer la recherche concernant l'espace urbain parisien et de construire des outils adaptés aux plans cadastraux anciens, afin de stimuler la réalisation de cartes SIG montrant l'évolution de la ville depuis le Moyen Age. Le site tente donc de combler une des limites les plus importantes des logiciels GIS qui étaient d'abord des bases de données pour la création de cartes concernant l'évolution de ville aux XIXème et XXème siècles. Avec la mise à disposition de sources très anciennes, les dynamiques urbaines peuvent être visualisées et analysées grâce aux cartes SIG.
            Le site « A vision of Britain » obéit aux mêmes objectifs avec la création d'une base de données rassemblant beaucoup de sources différentes (descriptions anciennes, cartes topographiques et thématiques,...). Mais la période reste limitée aux XIXème et XXème siècles, contrairement au site sur Paris. Malgré tout, les auteurs de ce site très récent (2009-2014) cherchent à répondre aux besoins d'emmagasinement et d'enregistrement des informations de la plupart des chercheurs, qui doivent créer des bases de données avant de réaliser des cartes SIG et qui, par manque de temps - car cela implique une recherche de sources variées et en grand nombre, sont rebutés par ce type de technique.
               L'avant-dernier site, « Mapping the Lakes », explore de nouvelles voies d'utilisation du SIG à travers notamment la réalisation de carte à partir des écrits littéraires de Thomas Gray et Samuel Coleridge. Ces deux écrivains tiennent en effet une place essentielle dans le site dont les auteurs cherchent à analyser spatialement leurs voyages et en même temps à analyser des informations abstraites liées à l'environnement, aux paysages de la région (imagination, émotion,...). Une description des méthodes utilisées pour utiliser les cartes SIG à partir de ces écrits est faite : il s'agit avant tout d'analyser les lieux évoqués, les adjectifs utilisés,..., pour pouvoir repérer les éléments spatiaux, temporels et abstraits à retenir pour réaliser les cartes. C'est une expérience originale et intéressante faite par les auteurs du site, qui réalisent ainsi des cartes SIG « littéraires ». Cependant la qualité cartographique n'est pas très bonne, puisque le zoom n'est pas optimal, ce qui génère des difficultés pour lire les cartes. En outre, les caractéristiques traditionnelles cartographiques (données statistiques, méthodes quantitatives,...) ne sont pas centrales.
          Dans ces quatre sites, la notion de « transdisciplinarité » est mentionnée et demeure importante pour comprendre l'usage fait du SIG par les auteurs des sites. En effet, ces logiciels ne s'adressent pas seulement aux historiens, mais à beaucoup de chercheurs dans d'autres domaines (archéologues, démographes,...). Ils permettent aussi, grâce à leurs bases de données toujours plus importantes, de croiser différents types d'information et des sources extrêmement variées pour réaliser des cartes riches de données diverses et pour les analyser ensuite de manière très complète. Ces sites mettent aussi en évidence les liens entre cette nouvelle technologie cartographique et les discours traditionnels historiques, en montrant que l'un et l'autre se complètent et s'équilibrent. Enfin, ils répondent aux limites imposées par les SIG en tentant d'effacer ces limites perçues comme des obstacles infranchissables par les chercheurs réticents à utiliser ces logiciels.
                  Le site « The Valley of the shadows » est le plus ancien, puisqu'il a été réalisé de 1993 à 2007. Il constitue une base de données immense pour un thème et une époque bien précis : beaucoup de sources sont rassemblées (photographies, lettres,...) car elles évoquent l'histoire de deux communautés (une au Sud et une au Nord) avant, pendant et après la guerre civile américaine. Si le site est intéressant car ces multiples informations sont classées et facilement accessibles, toutefois, aucune réflexion historique ou analyse historique n'est attachée à ces sources. Le récit traditionnel historique est complètement absent : des cartes SIG peuvent être conçues à partir du site, mais tout reste à faire. Le site demeure à la première étape de la création d'une carte SIG, c'est-à-dire la documentation, contrairement aux sites précédents, plus récents, dont les auteurs ont parfaitement conscience des problèmes attachés à l'utilisation du SIG et qui tentent de faire évoluer ces outils cartographiques en surmontant les obstacles des logiciels et de faire évoluer en même temps les représentations des chercheurs face à ces logiciels.


           
                 

                 

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