White, Richard (2010), "What is spatial history?, Spatial History lab, Stanford University, 1 February 2010.
Ethington, Philip J. (2007), Placing the past: Groundwork' for a spatial theory of history", Rethinking History, Vol. 11, no. 4, pp. 465-494
Mostern, R. and Johnson, I. (2008) "From named place to naming event: creating gazetteers for history", International Journal of Geographical Information Science, 22, pp. 1091- 1108
Les avancées technologiques des dernières décennies nous
permettent-elles de constater un changement significatif dans le rapport entre
l’histoire et la géographie, dans le traitement des données historiques ?
Peut-on parler d’un tournant dans l’histoire spatiale ?
La première question à se poser est celle de la définition
même de l’espace et de l’histoire, et avant encore de la notion de temps.
Partant du général au particulier, il importe de comprendre que le temps n’a
pas d’existence propre, en cela qu’il ne s’agit que d’une notion qui permet de
mesurer un rapport dans le mouvement. Ethington oppose ainsi l’idée du temps
naturel, tel que défini par les physiciens, au temps vécu, dont nous avons la
perception. Il cite Bergson, Dilthey et James pour affirmer que la notion de
présent n’est qu’une composante de la conscience. Partant de là intervient la
définition de l’espace.
White cite à ce sujet la triade de Lefebvre, philosophe et
géographe français, qui pose la triplicité de l’espace : la pratique
spatiale, ie notre occupation de l’espace
par le mouvement ; les représentations de l’espace, par des plans, des
conceptions, la création, en somme, de l’espace à travers lequel l’homme évolue ;
les espaces de représentations, enfin, attachés à un fort symbolisme. Ethington
reprend aussi cette triplice de Lefebvre comme un constituant primordial de la
définition de l’espace. White affirme cependant que les éléments de cette
triplice ne sont pas imperméables les uns aux autres. Il s’oppose de plus à l’approche
traditionnelle de la triplice par les historiens, qui s’attarderait davantage
sur le langage de la spatialité. Selon White, à toutes les questions concernant
la construction des relations spatiales, il existe une réponse unique, celle du
mouvement, qui serait le point commun entre tous les éléments. C’est pourquoi
selon lui l’approche traditionnelle, par cartographie, est incorrecte, car les
cartes et les textes sont statiques, par opposition au dynamisme intrinsèque de
l’espace.
Ethington propose une distinction entre le lieu (place) qui serait subjectif et lié à nos affects, et
l’espace, objectif et scientifique. Les lieux sont créés par les actions
humaines, qui transforment l’espace en événement, une affirmation reprise par
Mostern et Johnson. L’histoire ne serait qu’une carte de ces lieux. Il pose l’utilisation
du terme grec topos(oi) comme idéale pour
définir l’intersection entre le lieu-temps vécu et l’espace-temps naturel.
Dans ce cadre, les GIS sont des outils pertinents, d’après
White, en cela qu’ils permettent la communication entre les cartes et les autres
éléments graphiques utilisés habituellement dans l’étude de l’espace, et les
travaux qui en dérivent. Il cite l’exemple d’ArcGIS, qui, quoiqu’il ne
bénéficie pas d’une prise en main ergonomique, permet le traitement parallèle d’une
carte et d’une photographie aérienne. Les GIS rendent les cartes historiques
commensurables avec les conceptions modernes de l’espace et de la cartographie.
Toutefois, il ne faudrait pas réduire les GIS au seul aspect
cartographique. Des graphiques, des tableurs, et d’autres éléments de
visualisation peuvent être traités par ce biais. La carte n’est que la manière
de présenter les données traitées. Gregory expose d’ailleurs longuement, à
travers une importante série d’exemples de travaux à ce sujet, comment les GIS
nous permettent d’appréhender le potentiel de la cartographie pour bien
comprendre le monde à l’échelle sociale. Il insiste de plus sur le caractère interactif
des GIS, qui, au-delà d’une série de cartes et de texte qui les
accompagneraient, comme dans le cas des atlas papiers, permettent une
communication active entre l’auteur et l’utilisateur, en cela que ce dernier va
pouvoir utiliser les outils ainsi mis à sa disposition pour voyager à travers
le travail de l’auteur, créer lui-même ses propres cartes, graphiques, etc. et
ainsi mieux comprendre ce qui lui est présenté. Selon lui, les GIS ont permis
un changement dans le rôle joué par les cartes dans l’étude historique. Ce qui
était avant un produit final est aujourd’hui un outil de la recherche.
White et
Gregory s’accordent cependant à dire que le potentiel des GIS est loin d’avoir
été entièrement exploité, et que la technologie connaît quelques points qui
gagneraient à être améliorés. Si l’on ne peut toutefois pas parler d’une
révolution, il est en tout cas pertinent de considérer les GIS et les
GISciences comme un pas vers une nouvelle manière de faire de l’histoire.
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