À
travers une sélection de cinq sites internet, nous pouvons suivre l’évolution
de l’utilisation des Systèmes d'Informations Géographiques dans le cadre de l’étude
des sciences humaines. L’angle d’approche choisi au départ, celui de l’histoire,
ne peut en effet ici suffire à qualifier les champs de recherche abordés dans
ces exemples.
The Valley of the Shadows, ou The Valley Project, est une création du Virginia
Center for Digital History de l’Université de Virginie, alimentée entre 1993 et
2007. Il recense et regroupe un très vaste catalogue de documents variés autour
de la période de la guerre de Sécession, en se focalisant sur deux comtés
américains, le comté d’Augusta en Virginie, et le comté de Franklin, en
Pennsylvanie, situés respectivement au Sud et au Nord de ce que l’on pourrait
appeler la ligne de démarcation de l’esclavage.
Au-delà
de l’utilisation des SIG, la navigation se fait par le biais d’une structure inhabituelle :
le menu évoque la forme d’un plan d’un bâtiment, une bibliothèque par exemple. L’ancienneté
du projet, pionnier en son genre, lui donne un côté suranné. La plupart des
ressources géographiques constitue un ensemble de cartes. Seule celle des
batailles de la guerre de Sécession est interactive, sur le même modèle que
celle présentée sur le projet Virtual Jamestown.
Mapping the Lakes, sans doute plus
tardif quoique nulle date ne soit indiquée, fut produit par le département des
arts et des sciences sociales de l’Université de Lancastre, et offre de
reproduire sous forme de cartes le trajet poétique des écrivains anglais Thomas
Gray et Samuel Taylor Coleridge à travers la région des lacs, dans le nord de l’Angleterre,
à la fin du XVIème et au début du XVIIIème siècle. Plus qu’historique, c’est un
parcours littéraire qui est dévoilé à nos yeux, à travers la représentation
cartographique des journaux, carnets de voyage et lettres des deux auteurs. Le
site internet est remarquable par la simplicité de sa navigation, le menu sur
la gauche est d’une clarté confondante, et le projet y est analysé et présenté
avec une grande rigueur. On peut ainsi prendre connaissance des buts,
littéraires et géographiques, que ce sont fixés les chercheurs, ainsi que lire
la manière dont ils ont choisi d’exploiter les SIG pour y parvenir.
Les
différentes cartes nous permettent toutefois de nous focaliser surtout sur les
trajets effectués par les deux poètes, ainsi que de constater leur propension à
évoquer un lieu sans l’avoir vraiment visité. Certains éléments présentés sur
Google Earth ne me semblent pas offrir davantage d’informations, mais la
démarche est néanmoins à signaler par son originalité. Il est à noter que Ian
Gregory a fait partie de l’équipe de recherche qui a travaillé sur le projet.
GIS for History, un projet commencé en
2005 par l’Université de l’Illinois, se propose de créer un ensemble de
ressources à but clairement pédagogique : la page d’accueil nous offre de
choisir entre une consultation estudiantine, ou un éventail de plan de cours
professoral. Le tout s’articule autour des grands thèmes de l’histoire des
Etats-Unis d’Amérique. Des cartes interactives, dont on peut faire varier les
éléments à volonté afin de pointer du doigt certaines nuances, sont accompagnées
d’une riche source documentaire sous forme de documents textes ou de sites
internet. Ce qui m’a semblé notable, c’est le soin qui a été pris d’attirer l’attention
du visiteur sur les risques d’imprécision de la cartographie, en abordant
franchement la question : « Comment cette carte déforme les données ? ».
En s’appuyant d’abord sur l’exemple des cartes choroplètes, l’ensemble des
possibilités y est analysé, et le choix des auteurs argumenté.
A Vision of Britain through Time,
réalisé entre 2009 et 2014, constitue ici aussi un recueil de ressources
documentaires d’une richesse impressionnante sur la Grande Bretagne entre 1801
et 2001. La particularité de ce site est sa pluridisciplinarité, car non
seulement l’histoire et la géographie, mais aussi la statistique, la littérature
et les sciences sociales y sont sollicitées. Sur chaque carte présentée, il est
possible de faire varier l’information affichée à volonté, afin d’obtenir une
carte aussi précise et pertinente que souhaitable. Le site nous fournit de plus
une longue explication sur l’utilisation des données présentées, et sur le
meilleur moyen de les exploiter. Il me semble que c’est à ce type de travail
que pensait Ian Gregory lorsque, au sujet de l’approche qualitative des SIG, il
évoquait la possibilité de créer un outil qui ne permette plus seulement à l’utilisateur
de lire une histoire, mais de l’explorer seul, par lui-même.
Enfin,
le site de l’AnaLyse diachronique de
l'espace urbain PArisien: approche GEomatique ou ALPAGE, propose une navigation claire et riche à la fois à dans l’histoire
de l’espace urbain parisien. Une carte unique, mais dont le choix des éléments
affichables donne le vertige. Une approche limpide et pertinente des SIG, une
utilisation d’une grande qualité. L’exemple selon moi le plus abouti d’une
utilisation historique des ressources numériques de la géographie, grâce à l’interdisciplinarité
de l’équipe de chercheurs qui a travaillé sur le projet.
À
travers les années, les buts et les méthodes, les Systèmes d'Informations
Géographiques ont montré quelle richesse ils pouvaient fournir à un travail de
recherche historique, et ces cinq sites nous permettent de constater cette
variation et cette évolution.
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