Sunday, November 1, 2015

Le projet "Mapping the Holocaust" et les cartes animées du Memorial de l'Holocauste - analyse critique





Ce projet, lancé en 2009 par Anne Knowles, professeur de géographie est de réunir historiens et géographes autour de l'exploration des méthodes géographiques et de l'étude de l'holocauste à travers des questions géographiques. Ce groupe se présente comme le premier ensemble de chercheurs qui décide de combiner histoire et géographie dans l'étude du génocide juif.

Dans un premier temps, les systèmes d'informations géographiques deviennent un outil novateur pour l'historien. Son utilité semble être reconnue dans les domaines de l'histoire urbaine, notamment mais plus négligée en ce qui concerne d'autres pans de l'histoire. Ainsi, ce projet montre-t-il l'exploration que permettent ces outils lorsqu'on s'intéresse à des faits plus politiques tels que l'holocauste perpétré par l'Allemagne nazie. L'objectif principal d'une utilisation de ces outils, est de saisir les dimensions géographiques et géopolitiques du génocide en utilisant les systèmes d'informations géographiques pour cartographier l'holocauste à plusieurs échelles – étudier le processus génocidaire à l'échelle du continent européen, exprimer les différence régionales, mais aussi s'intéresser à l'expérience individuelle, notamment en retraçant les trajets des déportés depuis le lieu de leur arrestation jusqu'aux camps de concentration – . D'autres travaux se sont intéresser à ces perspectives: on peut notamment évoquer l'Atlas de la Shoah. La mise à mort des Juifs d'Europe, 1939-1945, qui s'intéresse à la sophistication de l'organisation du génocide à toutes les échelles spatiales, et offre donc aussi, à travers des cartes notamment, les dimensions géographiques d'un tel « événement ».

D'autre part, l'utilisation de la cartographie, telle qu'elle est faite ici, est un outil pédagogique non négligeable : en effet, traduire visuellement des événements est un bon moyen de les communiquer, d'autant plus lorsqu'on met ces ressources à disposition sur l'outil internet. Il permet, en outre, la valorisation de certaines sources historiques : principalement des photographies. Ce projet a donc déjà pour ambition et résultat le partage des savoirs à une potentielle large communauté de chercheurs ou d'amateurs.
En effet, les cartes animées, consultables sur le site du « United States Holocaust Memorial Museum », se présentent sous forme de petites vidéos, accompagnées de commentaires vocaux explicatifs, ce qui rend le potentiel pédagogique de ces vidéos très important. Pour donner un exemple, la carte animée consacrée au camp de Dachau combine documents d'archives (des photographies notamment), cartes et commentaires (vocaux et écrits, ce qui permet de plus, au propos d'être accessible aux sourds et malentendants, ce qui n'est pas toujours le cas des communications universitaires) : lorsque le commentateur explique que le camp fut construit sur le terrain d'une usine abandonnée, la carte animée permet à une personne « ignorante » de localiser la ville de Dachau en Allemagne. Ainsi, pouvoir percevoir la localisation d'un lieu ou encore la distance entre cette localisation et d'autres lieux emblématiques d'une période permet une nouvelle compréhension du sujet étudié. D'autre part, la reconstruction virtuelle des camps, que ce soit par plans, ou même en 3 dimensions, permet de comprendre l'organisation concentrationnaire, et de croiser cet outil avec les sources : par exemple les films réalisés par les SS eux-mêmes au sein des camps, ou encore aux films et photographies pris par les alliés au moment de la libération des camps. Chester Harvey, chercheur responsable de la reconstruction en 3D des camps, affirme l'intérêt pour l'historien de comprendre ce qu'a pu voir celui qui a filmé de là où il était positionné, grâce à la reconstruction virtuelle des camps par ordinateur, et l'opportunité de comprendre pourquoi ils auraient choisi de se focaliser sur un angle particulier, par exemple.


Des limites à ce projet sont cependant notables. En effet, si on regarde de très près, les cartes animées peuvent sembler parfois très simplifiées. Si l'on regarde la carte animée intitulée « The Holocaust », on note par exemple un manque de précision sur les cartes, notamment lorsque sont retracées les conquêtes territoriales de l'Allemagne nazie, la France étant entièrement colorée comme conquête territoriale allemande au même titre que la Pologne. Ainsi, nous pourrions dire que ces cartes ont une visée pédagogique certaine, mais qu'elles restent un outil très peu intéressant pour l'historien. Le projet rayonne de ses promesses, mais les cartes qui sont pour le moment mises à disposition sur le site du musée de l'Holocauste, sont très limitées en termes d'apports scientifiques. Elles permettent une vulgarisation des savoirs universitaires et une traduction visuelle des événements historiques de la période, mais ne peuvent constituer réellement un outil d'envergure pour l'historien en tant que chercheur.

No comments:

Post a Comment