Monday, November 9, 2015

L'intégration de l'approche spatiale dans la démarche historique : exploration de cinq sites.


A travers l'exploration des sites proposés, l'évolution de la pratique des Systèmes d'Informations Géographiques par les sciences humaines, et plus particulièrement par les historiens, est évidente. D'une utilisation assez sommaire – quelques cartes géographiques utilisées pour localiser les lieux dont on parle – à un apprentissage d'une maîtrise de la cartographie par les historiens, on évolue vers une utilisation fructueuse des SIG. Ainsi, en intégrant de plus en plus l'approche spatiale dans leur démarche historique, les historiens changent-ils leur manière de faire du récit historique.

Dans un premier temps, l'investissement par les historiens de l'outil internet, permet un travail collaboratif de collecte d'archives (et donc de numérisation de ces dernières), par différents chercheurs autour d'un même sujet.
Ainsi, The Valley of Shadow (site le plus ancien puisqu'il a été créé en 1993), par exemple, a le mérite de constituer un vivier important de sources diverses et variées sur la vie dans deux contés américains avant, après et à la période de la Guerre Civile. Au-delà d'être un recueil intéressant de documents, le site tente une première utilisation des SIG – il est ainsi possible de manipuler des cartes sur les batailles et de retracer les trajets des différentes armées, de localiser les lieux des batailles majeures – mais celle-ci reste très peu habile et assez lacunaire. La variétés des sources collectées sur ces sites permettent en effet d'analyser ensemble différents types de données et ainsi de réaliser des cartes riches en information.
De la même manière, le site A vision of Britain through time, constitue une base de données colossale sur la Grande Bretagne des XIXe et XXe siècles. Le site, sur lequel la navigation est très aisé, il est important de le préciser, apparaît comme un recueil majeur d'archives et de données, classées par thèmes et par dates, mobilisables par les historiens qui voudraient créer des cartes.
Toutefois, le récit historique semble absent de ces sites : ils offrent des outils aux historiens mais n'engagent pas eux-mêmes de réflexion sur le croisement des données et leur utilisation dans des SIG.

Si certains sites se contentent d'être d'immenses bases de données sur leur sujet, d'autres offrent une réelle réflexion sur l'apport de l'approche spatiale au récit historique.
D'une part, l'utilisation des SIG renforce l'idée d'une nécessité du dialogue interdisciplinaire autour des sujets de recherche. La dynamique du site ALPAGE (Analyse Diachronique de l'Espace Parisien, approche Géomatique), impulsée en 2006, est notamment celle de la collaboration entre historiens, géomaticiens et informaticiens, autour d'une analyse de l'espace urbain parisien, et est devenu au fil du temps, un site vivant consulté et enrichi par tous les chercheurs et étudiants qui s'intéresse à l'histoire de Paris. Les ressources de la plate-forme cartographique du site étant très importante – cartes anciennes et plus récentes, localisation des lieux de pouvoirs, de religion, lieux des activités socio-économiques, mais aussi vestiges archéologiques – elles permettent aux étudiants de répondre aux questions d'ordre spatial qu'ils se posent sur leur sujet de recherche. Ce site-là constitue un exemple phare lorsqu'on veut démontrer l'intérêt de l'utilisation des SIG en histoire. Il est d'ailleurs reconnu comme tel, puisque je me souviens l'avoir découvert en cours de géographie en CPGE, lorsque le professeur eu à cœur de montrer aux étudiants l'intérêt des SIG pour les futurs étudiants en sciences humaines.
En effet, dans certaines démarches, notamment celle du site GIS for History, on note la dimension pédagogique intrinsèque à l'utilisation des SIG : le site offre aux étudiants les outils pour engager de nouvelles réflexions sur l'histoire des États-Unis, permises par la manipulation des SIG. Grâce aux cartes animées, personnalisables grâce aux informations et données enregistrées sur le site, l'étudiant devient l'initiateur de sa propre réflexion.

Le site Mapping the Lakes est celui qui m'a paru le plus « original ». En effet, les auteurs proposent une manière nouvelle d'utiliser les SIG et ce afin d'éclairer non pas seulement l'histoire, mais la littérature en créant ce qu'on pourrait appeler « un espace narratif comparatif ». A partir de données textuelles que sont les écrits de Thomas Gray et de Samuel Coleridge, le site propose une analyse spatiale et sensitive (quels sentiments les lieux font ils naître chez les deux auteurs, par exemple) des lieux décrits et traversés par les deux auteurs littéraires. Si les cartes proposées sont parfois difficilement lisibles, le site a au moins pour mérite de proposer une réflexion intéressante sur la cartographie littéraire et la possibilité, grâce aux SIG, d'ouvrir de nouvelles réflexions sur la littérature des lieux et de l'espace. La même chose aurait pu être faite sur Londres, avec l'ouvrage autobiographique de Thomas De Quincey, Confessions d'un Mangeur d'Opium Anglais. Ainsi, les chercheurs en littératures peuvent-ils aussi s'enrichir des SIG dans leurs réflexions spatiales autour des œuvres littéraires.


Ainsi, la plupart des sites proposés à notre réflexion symbolise l'apparition progressive, chez les historiens, d'une nouvelle manière de faire de l'histoire qui, sans abandonner le récit historique traditionnel qui reste indispensable pour palier les manques des outils géographiques, investissent le domaine des SIG afin d'enrichir et de compléter leurs recherches. En outre, ils incitent les étudiants et chercheurs à maîtriser ces outils pour faire évoluer la pratique de l'histoire. Si certains sites semblent aujourd'hui assez « vétustes », d'autres promettent un avenir pour l'utilisation des SIG par la science historique.

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