Monday, November 9, 2015

Des approches spatiales de l'histoire diversifiées

Les cinq sites utilisent les SIG au service de l’histoire mais se distinguent par le public auquel ils s’adressent, le niveau requis pour les exploiter, le domaine exploré, le volume des ressources, l’aspect collaboratif et/ou interdisciplinaire plus ou moins marqué, le caractère évolutif ou figé, la possibilité de se construire un itinéraire de visite, de télécharger des données, leur financement, entre autres.
Les SIG peuvent être conçus comme des outils de travail collaboratifs pour chercheurs à l’image du site ALPAGE relatif à l’information géohistorique sur Paris. Il s’agit d’une réalisation interdisciplinaire associant historiens, géographes, archéologues et informaticiens. Initié sous l’égide de l’ANR, du CNRS et de la ville de Paris, il a ensuite poursuivi son enrichissement grâce à des collaborations moins encadrées entre chercheurs et étudiants, ce qui permet une mise jour annuelle ou bisannuelle. Néanmoins, la récupération de données cartographiques par le visiteur est possible. Plusieurs niveaux d’utilisation sont donc accessibles de la simple restitution à la création de cartes originales à partir des données stockées et personnalisables graphiquement. L’apport original des GIS et ici évident par rapport à un simple support écrit classique.
Dans le domaine de la recherche, le site Mapping the Lakes présente la particularité d’annoncer d’emblée son caractère expérimental : c’est le domaine auquel il s’applique qui est nouveau, à savoir la littérature. Au travers de deux récits de voyage dans la même région écossaise, il s’agit de voir en quoi l’utilisation d’un GIS peut enrichir la compréhension d’un texte littéraire mettant en jeu des lieux et un espace donnés. L’aspect historique est assez peu marqué, mis à part le fait que les deux voyages datent de 1769 et 1802. Les informations cartographiques sont limitées mais l’important n’est pas là pour les chercheurs. Ils s’attachent par contre à développer les problèmes rencontrés, les questions posées par l’utilisation des SIG dans un domaine tel que la littérature, les apports possibles. Il s’agit d’un projet qui permet aussi de tester la possibilité d’interdisciplinarité. Il est par ailleurs conduit avec des moyens très limités (de l’ordre de cinq personnes) et financé par une institution, la British Academy.
A l’autre extrémité du spectre en ce qui concerne les moyens, The Valley Project met en œuvre des ressources humaines considérables (plusieurs dizaines de personnes, universitaires et étudiants, mais aussi techniciens). Le financement est assuré par plusieurs institutions et fondations, notamment universitaires. La richesse du site est impressionnante et s’apparente plus à une bibliothèque qu’à une seule ressource. Bâti autour d’archives sur la période de la guerre de Sécession (1850-1870), il autorise et impose même un parcours personnalisé dans la mesure où la visite ne peut être exhaustive. L’interactivité est limitée, même si des recherches à partir de paramètres choisis sont possibles. Les ressources sont construites à partir des archives et utilisent en partie seulement les moyens des SIG. Au travers de données relatives à deux comtés de Virginie et de Pennsylvanie, elles servent de support à une reconstitution de l’environnement et de la vie quotidienne des acteurs de l’époque. Le site s’adresse en premier lieu à un public large intéressé par l’histoire américaine.
Tourné lui aussi vers un vaste public, A Vision of Britain, sollicite très directement le visiteur en faisant appel à un moteur de recherche à partir d’un nom de lieu. Il s’agit d’un site collaboratif libre dont les sources historiques portent sur des cartes anciennes, des recensements, des résultats d’élections et des récits de voyages. L’aspect pédagogique est nettement marqué via la présence de guides et de tutoriels. Deux particularités méritent d’être signalées : la base de données est mise à profit pour répondre à des besoins personnalisées en matière de généalogie, activité populaire susceptible d’amener un public a priori peu intéressé par les autres ressources historiques du site. Autre signe distinctif : une partie des données téléchargeables sont payantes, ce qui permet de financer, au moins partiellement, le fonctionnement.
            S’il présente un caractère pédagogique encore plus marqué, GIS for History s’adresse à deux catégories de public bien ciblées : les lycéens et étudiants, d’une part, les professeurs d’autre part. Aux premiers, il propose l’exploration d’une série de thèmes historiques relatifs au peuplement des Etats-Unis depuis 1790. L’étudiant est guidé dans sa démarche par une série de questions auxquelles il peut ensuite tenter de répondre en s’appuyant sur les ressources cartographiques et statistiques concernant l’histoire proprement dite, la démographie, l’économie, le volet social. Les données historiques du peuplement (recensements) se prêtent particulièrement bien à l’utilisation de l’outil GIS qui en procure une visualisation spatiale frappante. Du côté des enseignants, le site fournit des plans de cours directement utilisables. L’aspect pratique a été particulièrement soigné, y compris à un niveau de détail avancé (feuille d’évaluation des étudiants, par exemple). Par contre, il s’agit d’une ressource très dirigée, offrant une souplesse d’utilisation limitée. Un site construit en grande partie par des enseignants pour des enseignants, mais qui vise aussi à élargir et faciliter l’accès aux données historiques chiffrées.

Les sites explorés présentent des caractéristiques bien différentes en termes de promoteurs, de publics visés, de mises en œuvre spatiales des données historiques, de financement, de domaines explorés ; cette variété constitue en soi une bonne illustration d’une certaine entrée dans la maturité de l’utilisation des GIS en histoire. Une diversification qui est appelée à s’enrichir et montre que, utilisée de manière pertinente, l’approche spatiale de l’histoire rend des services originaux.

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